Les partisans soviétiques (1941-44)

Dans ce livre publié par l'historienne Masha Cerovic (en 2018) il y a bien des choses à relever. Elles sont pour l'essentiel très positives : en dehors de l'écriture de certains chapitres - une fois passés les premiers paragraphes et le souci d'accrocher le lecteur - et de la dilution regrettable des témoignages de rescapés dans le texte. A ces remarques de détail, j'ajouterai qu'il manque une présentation précise de la géographie européenne dans cette partie centre-orientale... Que sont les marges taïga/toundra, à quel point les formes péri-glaciaires constituent-elles les paysages (lacs, marécages, raspoutitza) et comment le cycle saisonnier influe-t-il constamment sur les combattants (été court, chaud et humide mais hiver long, sec et débordant sur les printemps et automne) ?
Ces remarques pèsent toutefois infiniment moins dans la balance que les apports nombreux de l'historienne. Les enfants de Staline font date, tant la qualité de l'ensemble impressionne, tant l'envie naît de voir l'ouvrage intégrer un ensemble plus large, dans le champ de réflexion stratégique. La lecture de Masha Cerovic s'impose, pour qui veut mieux saisir l'histoire de la Résistance en France ou en Italie dans la même période, pour qui souhaite s'arrêter à la méconnaissance des Occidentaux du Front de l'Est. Le livre réduit à peu les prétentions - je m'en réjouis - d'une certaine école de pensée plaçant l'offensive du 22 juin 1941 au sommet de l'art de la guerre. Masha Cerovic ne tombe pas non plus dans le piège d'une glorification de l'histoire soviétique détournant les faits pour infléchir favorablement le bilan du maréchal Staline en 1945.  
Barbarossa est l'enfant avorté d'un dictateur allemand mal entouré, piètre travailleur et médiocre penseur qui offre la possibilité au système révolutionnaire de renaître de façon aussi atroce qu'imprévue. J'isole pour finir cinq points à retenir peut-être :
  1. La réflexion sur le train et la logistique est très éclairante. Une division de la Wehrmacht consomme 170 tonnes de matériels/jour en 1941. Il y en a 140 à approvisionner : via un territoire mal doté en infrastructures. Hitler, ignorant de 1812, intoxiqué par la propagande soviétique.
  2. L'administration allemande des territoires occupés (dès 1942) ne peut que distinguer axes et gros bourgs/villes (d'un côté) et zones rurales de l'autre. Avec pour effet, en plus d'interventions ponctuelles et brutales, une guerre civile entre Soviétiques. [chapitre 5]
  3. On savait que Berlin n'avait rien compris aux séparatismes antisoviétiques (baltes ou ukrainiens), ni à la capacité de sédition de hauts officiers (Vlassov). Masha Cerovic révèle une ignorance totale de ce qu'a généré la collectivisation stalinienne... [chapitre 6]
  4. Dès 1942, l'administration nazie des territoires occupés organise la Solution finale, tente de gérer l'approvisionnement de la Wehrmacht. Dans le même temps, des districts entiers se muent en mini républiques bolchéviques, la haine des Allemands devenant la plus forte...  
  5. Conclusion. Chapitres ultimes sur deux aspects cruciaux : comment l'administration nazie a créé les conditions (1941-43) d'une guerre civile en zone occupée - à l'ouest d'Orel par exemple -, avec la répression épouvantable organisée par des unités constituées de supplétifs (Hongrois, Roumains, Baltes, Polono-Ukrainiens). Le second : après Stalingrad, la Wehrmacht en recul intervient directement dans l'écrasement de maquis de partisans qui n'ont ni les chefs ni les matériels pour faire pièce. Pertes inquantifiables, éradication aux conséquences à long terme (Khrouchtchev, Biélorussie)... 

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