Croquis de campagne, 1er juillet 2024


La Réaction veut revenir à un temps, à un jadis mal situé chronologiquement; mais est-ce celui des années post-68, des années Tapie, des années du film La Haine en 1995, ou encore celui qui a suivi les attentats du 11 septembre 2001 : qui sait? Les électeurs du RN veulent moins d'étrangers, mais plus de services et moins cher. Ils se projettent dans des escapades touristiques hors de France, aiment se rendre au Puy-du-Fou (en oubliant que le parc s'appuie toujours sur une main-d'œuvre de bénévoles); ils se réclament d'une identité plus ou moins proches de l'Église catholique : à condition de ne retenir aucun précepte personnel dans les prêches du pape François. Pour eux, la voiture est omniprésente. Cette référence leur coûte, parce que le carburant pèse sur les budgets...

Les libertaires ? Ils divinisent la diversité - sociale, sexuelle, etc. - mais vivent en couple hétérosexuel, à la bourgeoise. Leurs enfants fréquentent des établissements scolaires du privé. Ils dénigrent le nucléaire, ses dangers en terme de déchets, et ses risques en cas d'explosion "comme à Fukushima" : tout en rechargeant leurs téléphones à la première prise venue. Quand ils partent dans un gîte, c'est plutôt dans la nature qu'en bord de mer, saturé de monde. Ils demandent en arrivant "s'il y a la wi-fi" à leur hôte d'une semaine. Pour beaucoup de quinquagénaires, la famille reste 1 cadre oppressif - de ceux qu'ils ont refusé pour leurs progénitures - mais un psy vit du fait d'une rancœur tenace vis-à-vis de la génération précédente...

Dans les beaux quartiers modérés et centristes, on adore l'Europe mais sans savoir quels pays de l'Est ont été intégrés en 2004. Quand papy brocarde les Allemands qui ont piqué nos industries et commercent avec la Chine, on le tance gentiment "les temps ont changé. D'ailleurs la copine de Sacha habite Berlin. C'est chouette, Berlin !". La trottinette électrique permet d'aller au boulot, un open-space en 5 mn "porte-à-porte" : le trajet se fera sans casque et en sens interdit, parfois. L'aînée de la fratrie poursuit des études à l'étranger, un MBA à Edimbourg. On a beaucoup aimé Emmanuel Macron, jusqu'à oublier Benalla & Blanquer ('si les profs n'étaient pas tout le temps en grève'). En 2022, c'était un peu plus rude. Mais maintenant ? 

Loin des rocades, au milieu de la campagne deux France se regardent en chien de faïence.  

  1. Dans la première, les ruraux agriculteurs ou liés à eux - proprios du paysage ne veulent pas être emm...és/ennuyés par les Parisiens; ceci dit, les réservations pour les gîtes imposent quelques sacrifices symboliques. L'été, la réserve indienne s'anime et les boulangeries vendent des baguettes Traditions, comme on les aime en ville : toutes sèches en fin de journée, immangeables le lendemain.  
  2. Dans la seconde, les néoruraux - eux - savent tout sur tout ce qui se passe dans la nature, et n'hésitent jamais à partager leurs intuitions à leurs voisins paysans. Que le soleil se couche là et se lève ici. Qu'un vieil arbre ne se coupe pas. Que les animaux domestiques doivent divaguer et les sauvages grignoter tout ce qui pousse au printemps (dans un monde sans chasseurs et sans ondes). "Le patois ? Quelle chance!" Les premiers veulent vivre comme avant, les seconds dans l'authenticité.

En 2024, nous vivons dans un beau pays, au milieu d'un continent fragile et menacé à ses frontières. J'imagine que nous pouvons encore faire société, malgré nos incohérences, nos failles et nos déceptions. La 🇫🇷 le mérite. Nos enfants n'attendent que ça. Il faut appeler un chat, un chat en conclusion : le populisme macronien a échoué, comme celui de ses prédécesseurs. D'aucuns ont pensé à Louis-Napoléon Bonaparte. Reste l'autre, même si - selon Jan-Werner Müller (enseignant à Princeton) - il faudra parler à tout le monde !

Merci de votre lecture, et bonne semaine à tous... En attendant dimanche ! 

POST-SCRIPTUM. En relisant mes notes de la fin de semaine dernière, je constate aussi que nous payons cher le climat de défiance installé depuis des décennies en France. Les aides publiques à la presse ont compromis les relations entre les citoyens et les médias, alimentant l'accusation de collusion. Le journalisme de connivence, les pantouflages (radio & TV / public vs privé) banalisés ont créé une confusion désastreuse. Les furieux préfèrent les chaînes radicales et le mensonge règne.

Les moins de 25 ans lisant un journal sont ceux dont les parents sont  eux-mêmes abonnés, qui reçoivent à domicile une version papier : la précision n'est pas inutile, tant la lecture sur écran personnalise => limite les interactions familiales. Le discours anti-jeune s'avère non seulement mal ciblé ("4ème pouvoir"?), mais contre-productif. Les retraités lecteurs de quotidiens pèsent d'un poids chaque année grandissant et faussent l'esprit même de la loi : pluralisme de la presse vs aide financière.

Il est à la portée de tous d'établir une liste de sujets essentiels mais non débattus. Ainsi, l'alimentation saine coûte cher. L'immobilier appartient à des vieux refusant d'aller en Ehpad. Les étudiants n'arrivent pas à se loger. Une majorité de parents se jouent de la carte scolaire. Les ministères s'embourbent dans des politiques contradictoires. Il n'y a aucune stratégie sur l'avenir. Peu importe désormais qui a fait quoi et qui a dit ce qu'il a finalement laissé de côté. Les défis sont immenses [sans même pas évoquer les transports, la métropolisation, le monde rural, la France ultramarine] Alors ? L'exécutif devra apporter des réponses, sans trop lambiner 

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